On a vu souvent rejaillir le feu

Qui en veut à Judith Magne, maire d’un petit village de Haute-Provence ? Quel Corbeau s’acharne sur elle, en tant que maire, mais aussi en tant que femme ? Quel secret tente-t-il de mettre au jour ? Y réussira-t-il, et à quel prix pour Judith ?Dans ce troisième roman, situé comme les deux premiers dans le cadre de sa région d’adoption, Marie-Noël Paschal évoque les thèmes qui lui sont chers : la Haute-Provence, l’amour et l’art.
Car au cœur de cette histoire aux multiples rebondissements apparaît un artiste qui a aimé ce pays et y a peint quelques-unes de ses œuvres les plus belles, les plus brûlantes : Nicolas de Staël.

Extrait

Malemort est bâti en escalier sur un coteau de collines basses et boisées. Tanguy gare sa Twingo noire sur un parking minuscule, face à l’épicerie du village. Il lève les yeux vers les maisons qui l’écrasent de leurs hautes façades en pierres de galets jaunes et rondes. Il lui semble qu’elles regardent sévèrement l’intrus. Tanguy sourit : l’une, à l’entrée d’une ruelle, présente curieusement l’image d’un visage humain. Sous la double génoise, régulière comme une frange, les deux fenêtres du second étage sont des yeux béants, soulignés au pinceau par les traverses hautes et basses qui les encadrent ; en-dessous, une petite poutre, vestige d’une porte condamnée, figure une bouche au mince sourire.

Tanguy, pour se la concilier, mime le geste d’un mousquetaire qui s’incline devant le roi. La maison ne bronche pas, reste de pierre.

D’ailleurs le village entier est silencieux, endormi sous le soleil de cette matinée d’avril. Une seule solution s’offre à lui : se renseigner à l’épicerie. Tanguy entre dans la modeste échoppe et se régale d’entendre sonner une clochette qui signale son arrivée ; on est loin des supermarchés ! L’épicier est un vieux monsieur aux cheveux blancs, un peu voûté, en parfait accord avec les murs de son magasin. Le journaliste achète une baguette de pain.