Ta mort sera mon chef d’œuvre

Le roman de Marie-Noël Paschal s’ouvre comme ces mots de Baudelaire : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».
Un couple d’artistes vit, crée, rêve dans une bastide en Haute Provence. En plein cœur de l’été on se lève tôt, vers neuf heures on tire les volets. Il y a une terrasse protégée par des cannisses, une nappe jaune, du café. Ce couple semble heureux. Qui ne le serait pas ? Dans les vastes pièces fraîches il y a la voix de la Callas, de beaux meubles, des photophores en verre de Biot, un piano. On pourrait être dans un roman de Rezvani, quelque part sous les châtaigniers des Maures dans les années soixante.
Pourtant un enfant de six ans a disparu sur un parking huit ans plus tôt. Un garçonnet de type indien asiatique plutôt timide, les yeux noirs. Noir comme cet oiseau qui plane depuis au-dessus de la bastide. Ces deux artistes qui semblent heureux sont ses parents adoptifs.
Un jour d’été, brutalement, cet enfant réapparaît. Il a quatorze ans. L’adolescent ne se souvient de rien.
Le roman de Marie-Noël Paschal est d’abord une réflexion sur la création artistique…

Extrait

La vieille bastide somnole sous le soleil. Plantée au flanc de la colline, elle domine un champ d’oliviers dont elle est séparée par une terrasse et un mur de pierres sèches. Les volets de couleur bleu lavande sont fermés. Fermée aussi la porte monumentale du garage qui, curieusement, donne sur la façade principale. Tout en haut, un « nid d’aigle » ; c’est là que Bénédicte a installé son atelier. Quand Maxime et elle ont acheté la bastide, il y a quatorze ans, elle a souhaité ouvrir dans le toit de tuiles un puits de lumière. Deux grands vasistas et un passage vers une minuscule terrasse lui ont offert ce qu’elle désirait : le soleil s’y déverse à flots, éclairant le plancher de bois brut. Des poutrelles métalliques soutiennent le toit. En dessous, sur des étagères de bois, elle a disposé des statues, dont beaucoup sont encore à l’état d’ébauches. Des échelles permettent d’accéder aux rayons supérieurs. Quand Bénédicte travaille dans son atelier, aucun bruit ne l’atteint, sauf le chant des cigales.